DONBASS Benoît Vitkine

Éditions Les Arènes / Le Livre de Poche

Elle sourd, elle sourd la colère…

Donbass qui connaissait ce territoire avant le 21 février 2022 ?

Pourtant depuis 2014, à la suite du renversement du président ukrainien,  ce territoire est en proie à un conflit armé entre les séparatistes russophones et le nouveau régime ukrainien. Le protocole de Minsk en 2015 n’a jamais été appliqué d’où l’invasion russe. C’est un résumé grossier mais derrière ces mots c’est une population qui souffre et des êtres qui meurent où qui sont en butte à des exactions barbares.

« Le Donbass s’était retrouvé d’un coup comme une baleine échouée sur le rivage, rouillé, inutile, trop grand pour le pays nouveau et inconnu auquel il appartenait désormais. Ses habitants avaient assisté au dépeçage de l’outil industriel. Les oligarques achetaient et vendaient les usines comme des jetons de poker, pendant que les maraudeurs en arrachaient le métal pour le revendre sur des marchés noirs de misère. »

Avdiïvka, hiver 2018, le petit Sacha, six ans, est retrouvé assassiné.

Pour certains ce n’est qu’un « incident » mais pour le colonel Henrik c’est une priorité.

Désabusé, depuis son retour d’Afghanistan, par la situation de son pays, la corruption qui règne et étend ses tentacules partout, l’indifférence devant les horreurs commises et le peu d’empressement à résoudre ce qui pourrait l’être, il va remuer terre et ciel, pour punir cet assassin d’enfant, ce pilleur d’innocence.

La tâche sera ardue, les bombes sont devenues une musique quotidienne et pourtant, la majorité de la population essaie de vivre comme si cela était normal. S’habitue-t-on aux horreurs, à la folie des hommes.

L’intrigue est intéressante et tenue jusqu’à la fin.

Mais j’ai été plus passionnée par la manière dont Benoît Vitkine, nous donne à voir la vie dans un pays en guerre.

L’entraide côtoie la corruption et les trafics en tout genre. Et en même temps le quotidien continue à tracer sa route.

Cette population si fière, autrefois, de ce Donbass fournisseur de charbon et d’acier, où chaque membre des familles s’enorgueillissait de faire partie de ce monde ouvrier, tous ont vu en quelques années seulement la mondialisation gangréner tout ça.

L’auteur, correspond du Monde à Moscou, connait bien le sujet et chaque figure de son roman, devient une réalité pour les lecteurs.

La vieille Antonina, Ioula, Vassili l’enfant, Arseni et les autres sont tous des visages, comme si vous viviez avec eux. C’est cette réalité qui rend ce roman passionnant. Si les lecteurs sursautent à chaque déflagration il n’en est rien pour les habitants de la ville, eux c’est le silence qui leur parait suspect.

Le lecteur peut se perdre lui qui ne connait pas cette terre, mais ce qu’il retiendra, ce qui s’imprimera dans sa mémoire, c’est cette tension palpable, cette résistance, cette fierté de ceux qui luttent pour survivre coûte que coûte.

Il y a la musicalité du désespoir, de l’incompréhension de ce qui se passe au-dessus d’eux simples habitants de ce territoire convoité, comme s’ils n’étaient rien.

C’est prégnant, l’auteur les aime ces gens-là, pour tout le reste il arrive à décortiquer chaque vilénie sans juger, il constate une situation.

Pour un premier roman, c’est très réussi, j’ai plus appris avec ce livre qu’au travers des reportages diffusés en boucle.

Un prix Albert Londres qui a du sens.

©Chantal Lafon

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