Témoin de rien

Tom Noti

Éditions La Trace

Mon cher toutou,

Tu as été le premier à me prendre sous ton affectueuse protection.

Tu es le chien de ceux que tu choisis, les plus petits, les sans défense, les innocents…

Le patriarche a régné sur sa femme et ses enfants : les fils sont vite partis ailleurs et la fille ainée a suivi, sans retour.

Sont restées Jeanne et Gaétane, sous la férule du vieux, elles ont fait le dos rond. Différentes l’une de l’autre, mais liées à jamais par ce terrain hérité à condition d’y construire leur deux maisons. Le patriarche assurait ses vieux jours, sa femme se mourait.

Le drame couvait déjà, le terrain était miné et j’ai été le déclencheur bien malgré moi, tout n’a pas explosé en un seul jour, non les fissures se sont installées et ont pris leur temps.

Pourtant ce n’était qu’un accident, comme tous les accidents, une minute d’inattention dans une vie de labeur, toute la semaine au travail et le week-end à construire les maisons, celles qui auraient dues abriter le bonheur.

Le silence n’est pas seulement un chape de plomb, il oblitère tout.

Les mots tus, tuent.

Comme l’arsenic présent partout, sans odeur et sans goût, la violence s’infiltre, se diffuse de l’un à l’autre, surtout chez les plus petits qui assistent impuissants, rage au cœur d’être trop petits.

Trop petit, je n’ai pas les mots pour dire tout ce que je ressens, heureusement, sur mon nuage, j’ai rencontré Tom Noti, en haut des montagnes et son doux regard m’a encouragé à livrer ce qui me ronge depuis des années.

Je lui ai demandé comment je pouvais demander pardon d’avoir provoqué toutes ces catastrophes en avalanche. Après m’avoir écouté attentivement il m’a dit que je n’étais coupable de rien.

Il dit que parfois les adultes sont empêtrés dans une vie qui les dépasse, le malheur, l’orgueil et bien d’autres sentiments se mélangent et les engloutissent. Et surtout, les grands ne veulent pas dire, alors ils étouffent et explosent. Souvent, ils font comme ils peuvent.

Alors il m’a promis de raconter mon histoire, pour ma famille il est peut-être trop tard, mais pour d’autres…

Du haut de mon nuage, je sais qu’il racontera fidèlement ce que je lui ai confié, sa plume fait parler les âmes blessées, parce qu’elle est délicate et empreinte de l’humanité des plus grands.

Il trouve les mots pour que la noirceur suive le courant du ruisseau des montagnes.

Il ne cache rien, mais ses mots ont une musique qui n’appartient qu’à lui, car il sait toujours regarder vers l’horizon et quand le regard sait aller au-delà, il accompagne tous les bouleversements des âmes tourmentées, sans juger.

Il ne rendra pas beau ce qui est laid mais fera surgir des profondeurs cette humanité indispensable à la vie.

Il va vous faire pleurer ce sont les mots qui sortiront en silence.

Maintenant, grâce à Tom, je suis en paix mon cher chien à mes côtés, sa mission sur terre accomplie, ma tendresse l’enveloppe à jamais.

Hector, 4 ans pour toujours.

©Chantal Lafon

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