Lilas noir

Reinhard Kaiser-Mühlecker

Traduit par Olivier Le Lay

Éditions Verdier

La floraison du lilas ne ment pas

Lilas Rouge se terminait par le départ de Ferdinand, fils de Paul, arrière-petit-fils de Goldberger.

Parti à Vienne faire des études d’agronomie, étudiant boursier faisant des petits boulots, il était bien décidé à prendre son destin en main. Résolu plus que jamais à ne pas être un pion entre les mains de Thomas, son oncle, celui qui avait chassé Paul de Rosental.

Il retrouve à Vienne son amour de jeunesse Suzanne.

Dire cela pourrait faire de cette histoire familiale une histoire comme tant d’autres.

Mais chez les Goldberger, rien ne peut s’assimiler à une norme quelconque.

La terre et l’évolution de l’agriculture accompagne chaque génération, tremplin ou perte ; des chevaux aux machines agricoles les plus performantes, l’agriculture trace son sillon et traine dans son sillage la malédiction des Goldberger.

Dans cette suite, véritable gageure, l’auteur de sa belle écriture nimbée de classicisme nous fait vivre dans une attente tendue comme la corde d’un arc.

C’est intelligent, habile dans la construction où une répercussion d’échos nous évite les redondances de lourdes rétrospectives des six décennies passées.

Ce sont les non-dits, à l’intérieur de la famille comme à l’extérieur, le village est là à épier, commenter et propager la vie de celui qu’ils n’ont jamais accepté Goldberger, l’ancien.

La période lumineuse que va vivre Ferdinand va prendre fin brutalement et sa seule échappatoire sera d’aller sur les traces de son père en Bolivie.

L’écriture associée à cette période fait vivre au lecteur cette hantise qui habite Ferdinand, les fantômes sont là prêts à le dévorer.

Mais Rosental le rappelle, le happe à nouveau, sera-t-il le marionnettiste ou la marionnette ?

Sabine, femme de Thomas va vider son sac et celui-ci est lourd. Cette femme qui a tout encaissé parle et c’est un tableau qui se peint devant nos yeux avec tous les détails et nous en donnent la compréhension. Elle dit la dureté d’un monde.

La vengeance qui se fait jour sera-t-elle un soulagement ? Rien n’est moins sûr.

« Dès son premier souffle, l’homme ne vit que dans l’attente de l’instant de son trépas, quand bien même cette évidence demeurerait-elle un temps voilée à sa conscience. »

Lilas rouge et Lilas noir sont un grand livre, par l’histoire narrée mais par le style et cette manière de percevoir et de faire vibrer les sentiments de chaque personnage comme les changements de la nature au fil des saisons. C’est une impression de chaleur, de lumière aux premiers rayons du soleil, le froid aux premiers gels, c’est la terre qui donne. Le poids de la terre au creux de la main, le brin d’herbe entre les lèvres, les premiers épis…

Tout est offert pour que le lecteur ressente les joies et les affres des personnages.

Quoi de mieux que le travail de la terre pour être au plus près de ce qui fait un homme.

J’ai aimé cette osmose terrienne.

J’ai refermé ce livre avec une sensation de vertige devant l’habileté de Ferdinand à fouiller ses sensations au plus près.

Le raccord entre ce volume et le précédent est juste parfait.

De la belle littérature et une pépite de plus dans cette belle maison d’éditions : Verdier.

©Chantal Lafon

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