L’amour

François Bégaudeau

Éditions Verticales

Chez ces gens-là

François Bégaudeau nous avait habitués à écrire sur les dérives de notre société, nos privations de liberté acceptées tacitement, les chocs de deux mondes qui ne se connaissent pas, des dirigeants vivant dans un espace-temps qui n’est pas celui du commun des mortels.

L’écrivain en colère laisse la place à une autre facette, son regard a l’acuité de celui qui sait voir au-delà des apparences.

En cette rentrée littéraire il nous offre un texte épuré sur l’amour.

Rien à voir avec Roméo et Juliette, Autant en emporte le vent, et autres histoires.

 Jeanne et Jacques se sont rencontrés jeunes, dans une vie simple et besogneuse. Ils se tiendront compagnie sur un demi-siècle, sans artifices, sans éclats, ils deviendront au fil du temps les Moreau.

Ils travailleront toute leur vie, auront les maux d’une vie de labeur, ils s’organiseront encore et encore à chaque évènement, la naissance de l’enfant qui souligne le manque de place dans leur petit logement, la vieillesse de leurs parents, tout est adaptation dans le respect de l’autre.

Leur fils deviendra ingénieur et ira travailler en Corée avec sa femme et ses enfants. C’est la séparation pour les grands-parents, mais ils l’accepteront car c’est la vie.

Cinquante ans en moins de cent pages, c’est une prouesse. Tout semble banal dans cette vie comme la vie de millions de gens, ceux dont on ne parle pas, ceux qui n’existent que par leur force de travail, car ce sont eux qui font tourner la machine.

C’est avec un regard acéré que cette vie coule en mots, tout y est en ce demi-siècle, l’évolution est là dans les détails, ces technologies qui facilitent le quotidien ou nous met un fil à la patte.

Chez ces gens-là, il y a aussi une économie de mots et l’auteur fait vivre cette économie avec brio. Le mot juste, l’expression authentique, la logique d’une vie simple, tout est sous nos yeux pour voir toutes les Jeanne et tous les Jacques du monde.

Le tout, en une langue classique, qu’il fait bon lire, nous fait vivre cette vie sans éclats avec tendresse, l’émotion à fleur de peau en toute simplicité.

Un vrai tour de force qui démontre brillamment que François Bégaudeau sait se renouveler et qu’il ne peut être mise dans une « cage » même littéraire.

Un vrai coup de cœur.

©Chantal Lafon

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