L’écrivain fantôme

Philip Roth

Traduit par Henri Robillot

Éditions Gallimard / Folio

La déchirure du voile de la comédie

Philip Roth exerce avec ce talent unique qui est le sien, cette légèreté planant sur ses personnages sans oublier de l’appliquer à son double littéraire.

Ici c’est la naissance du jeune Nathan Zuckerman, élevé dans une famille traditionnelle qui l’a bichonné comme un trésor. Cette famille le trouve bien ingrat d’écrire des vérités qu’il serait mieux de taire.

Le jeune écrivain en herbe est un admirateur de E.I Lonoff et il a le privilège d’être invité dans l’antre du maître.

Ce colosse littéraire tombera-t-il de son piédestal ?

Chez Lonoff, Nathan va faire connaissance avec Hope son épouse et Amy Belette jeune étudiante qui consacre du temps à l’archivage du grand maître.

« Elle écrit une prose d’un style remarquable, me confia Lonoff lorsque nous fûmes rentrés dans la maison. Je n’en ai jamais vu de meilleur chez un étudiant. Une clarté merveilleuse, un sens merveilleux de l’ironie. Une intelligence percutante. »

Nathan bien évidemment est sous le charme immédiat de la jeune fille.

Il est évident que Nathan ambitionne de devenir le fils spirituel de Lonoff.

Le jeune homme est invité à rester dîner puis passer la nuit, son lit sera fait dans le bureau du grand homme.

Dormir il n’en est pas question, tout autour de lui respire le génie, tout est inspirant, alors lui vient l’idée d’écrire une lettre à son père (celui-ci ayant fait intervenir un médiateur pour le sauver de ses erreurs pour ne pas dire errances).

Et soudain, tout dévie Miss Belette se prend pour Anne Frank et il veut épouser Anne Frank.

Ne serait-ce pas la plus belle des façons de se réconcilier avec sa famille ?

Sous cette fausse frivolité une réflexion profonde s’enclenche.

Elle se termine en apothéose avec la scène du petit déjeuner entre Lonoff, Hope, Amy et Nathan, qui vu de l’extérieur aurait pu passer pour la réunion de la famille parfaite.

C’es tout simplement une scène de la comédie humaine imaginée par Roth qui montre que chacun doit s’accommoder des turbulences de l’histoire.

N’invitez pas un écrivain à votre table… Le voile se déchirera.

Un opus où nous retrouvons les thèmes chers à l’auteur : le poids de la puissance familiale, l’ambiguïté de ne pas vouloir décevoir mais revendiquer d’être soi, libre jusqu’à l’irrévérence.

Le lecteur entend cette verve à la Roth, l’ironie et l’obsession de la trahison.

Cette écriture que le distingue, si singulière dans sa nervosité et cette accroche irrésistible.

Un plaisir de lecture renouvelé, puissamment intelligent.

©Chantal Lafon

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