V13 – Chronique judiciaire

Emmanuel Carrère

Éditions P.O.L

L’Histoire avec sa grande Hache

Chroniquer chaque jour ce procès hors norme pour l’Obs, c’est à quoi s’est engagé l’auteur.

Puis, après 9 mois de baignade dans le liquide amniotique de la justice, il accouche d’un livre pour dire l’humanité des victimes, faire entendre la voix de celles et ceux qui ne s’exprimeront plus jamais.

L’essentiel est là, faire entendre les voix des victimes.

Je vais commencer par les coupables, enfin ceux qui sont là mais qui ne sont que piétaille d’une organisation qui les dépasse. Contrairement aux idées reçues, ils ne sont pas issus de familles pauvres ou non intégrées, et à l’issue de ce procès, nous n’en apprendrons pas plus sur les mécanismes qui les propulsent à ce degré d’immondices. Leurs familles sont aussi des victimes. J’imagine mal comment ils peuvent gérer ça.

Ce ne sont que de ternes personnages dans le magma de la banalité du mal, les paroles ou le silence qu’ils nous opposent nous disent le vide.

« Le long processus historique qui a produit cette mutation pathologique de l’Islam » reste avec un immense point d’interrogation.

Les moyens développés pour ce procès sont à la hauteur de cette exception.

Les acteurs aussi, même ceux qui ont la charge de défendre l’indéfendable.

La partie consacrée aux victimes est aux premières loges de ce livre et elle nous fait entendre les voix de « l’exceptionnel », car ces témoignages sont très peu dans la haine.

Nous pleurons Lamia avec Nadia et Lola avec Georges, et tous les autres évidemment.

Des témoignages poignants, car eux vibrent d’une humanité sans faille.

Les descriptions nous font voir ces scènes d’horreur absolue, nous font entendre ces tirs haineux, nous font sentir ce mélange d’odeur de poudre et de sang versé, elles nous font vivre ce chaos, et c’est insoutenable.

Le lecteur est aspiré dans cette spirale infernale. Le gouffre qui s’ouvre entre la vision que les jihadistes ont d’eux-mêmes et ce que nous percevons de ce vide qui les habite est abyssal.

Les familles des victimes ont pris perpétuité.

Les questions en suspens sont vertigineuses.

L’auteur a vécu ce procès, à nous tous de nous emparer de ce récit pour en faire un partage le plus grand possible et dire la vigilance qui doit être omniprésente.

Que l’humanité offerte par ces victimes nous habitent longtemps.

©Chantal Lafon

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