Le rabaissement

Philip Roth

Traduit par Marie-Claire Pasquier

Éditions Gallimard

Alea jacta est

Simon Axler, un des plus grands acteurs de son temps, sait qu’il est fini.

Il n’arrive plus à jouer, la magie a disparu, son charisme est en berne.

Victoria, sa femme, stoïque un temps n’en peut plus, elle n’arrive plus à l’aider sans sombrer elle-même ; elle le quitte.

Simon demande à être interner dans un hôpital psychiatrique, il y restera seulement 26 jours.

Aucun des moyens mis en place, pendant son séjour, pour le sortir de son marasme ne lui donne la clef du pourquoi.

La cause de ce rabaissement reste mystérieuse.

Tout son vécu, toute son expérience ne servent à rien, il ne se représente plus sur scène, il n’a plus ce petit quelque chose qui lui servait de moteur.

La vision qu’il a de lui est déformée comme s’il était dans une attraction de foire, ce tunnel qui déforme l’image à l’infini.

« En conséquence de quoi, même si depuis trente ans Axler avait élu domicile à deux heures de New-York, au milieu des arbres et des champs — c’est là qu’il vivait quand il n’était pas en tournée quelque part dans le monde —, il n’avait plus personne avec qui bavarder, prendre un repas, et encore moins partager un lit. Et à nouveau, la tentation du suicide lui venait, aussi fréquemment qu’avant son hospitalisation, il y avait maintenant un an. Tous les matins, quand il se réveillait face à ce vide, il se disait qu’il ne pouvait pas affronter une journée de plus, dépouillé de ses capacités, seul, sans travail, et en proie à une douleur permanente. »

Le génie de Philip Roth est de nous faire une narration en 3 actes, le premier montre la dégringolade, le deuxième un regain de vie, Simon rencontre Pegeen, la fille de ses amis de longue date, qui avait fait son coming out, elle s’est déclarée lesbienne, mais a de gros problèmes avec sa compagne et devient la maîtresse de Simon. Il joue les pygmalions avec beaucoup de bienveillance et d’amour. Oui, mais…

Et c’est dans ce deuxième acte que l’auteur nous fait un pas chassé littéraire, cette suite de pas précédent le grand saut. C’est brillant.

Comme au théâtre Philip Roth nous entraîne dans un jeu de rôle ou de dupes, nous parlant du désir (la vie chevillée au corps) et de la vieillesse.

Cette méditation sur la vieillesse, la mort et la sexualité est récurrente dans ses romans, mais elle n’a jamais le même visage, ni la même intonation. C’est éblouissant de lucidité et d’humour caustique.

Un grand livre, et comme toujours ce plaisir inépuisable de lire et relire cet écrivain exceptionnel.

©Chantal Lafon

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