Elles vivaient d’espoir

Claudie Hunzinger

Éditions Grasset

La vie est une énigme !

La plume de Claudie Hunzinger m’envoûte par son élégance et sa façon de narrer la vie.

Elle découvre les cahiers tenus par sa mère Emma, femme audacieusement libre.

Emma a été enveloppée de l’amour de sa mère de façon tendrement tyrannique. Cette dernière meurt jeune et dès lors Emma se sent follement libre et osera tout.

Fille d’instituteurs elle se voue elle aussi à l’enseignement. Pour cela, il lui faut suivre une formation à Nancy, c’est là qu’elle va rencontrer Thérèse, jeune fille plus réservée voire effacée. Emma réussira le concours, Thérèse échouera.

Tout cela se passe au début du xx e siècle.

Elles vont être séparées géographiquement mais se retrouveront régulièrement avec audace et liberté.

À Paris elles rencontreront Karl un jeune juif allemand, étudiant communiste balloté par les évènements de l’Histoire.

Emma écrit beaucoup, elle recopie sa correspondance dans des carnets, sa fille y trouvera essentiellement des traces féminines et quelques photos figées, mais c’est toute une vie qui s’ouvre à rebours.

« A travers l’écriture, Emma s’exerçait à vivre. Écrire approfondit (intensément) l’ouïe, le regard, la respiration, la réflexion, la vie. L’esprit s’y fait écho du corps. »

Entre Emma et Thérèse c’est l’amour fou et pérenne , ce qui n’empêche pas Emma d’avoir une passion vertigineuse pour Marcelle, d’aimer François, homme marié, et elle épousera plus tard Marcel un veuf avec deux enfants.

Emma va à la recherche d’elle-même sans se préoccuper du regard des autres. Femme fière et cultivée, elle a conscience de sa valeur.

« Ne jamais consentir au qu’en-dira-t-on familial ou social. La sincérité est le seul chemin. »

La guerre va séparer ces deux femmes. Thérèse va prendre conscience des enjeux du combat et elle va s’engager dans la Résistance, elle y laissera la vie. Une école portera son nom.

Emma en épousant Marcel va vivre en Alsace qui est devenue allemande et épouser les idéaux nazis de son mari. Elle qui n’avait ni Dieu ni maître…

Elle écrit dit-elle pour « donner abri aux fantômes ».

Pour l’auteur, la fille d’Emma, c’est un trajet audacieux d’aller à la rencontre de cette mère, femme libre et passionnée, qui a vécu les méandres de ses contradictions et de ses renoncements.

L’écriture vibre de toutes ces émotions, sensibilité et sobriété sont sœurs pour faire vivre ce destin hors du commun aux lecteurs.

Deux destins, l’une est apaisée par le choix qu’elle fait, l’autre sera tourmentée à jamais.

Un portrait de femme mais aussi celui de la mère solitaire et souveraine.

En refermant ce livre, les lecteurs s’interrogeront sur le sens du concept de liberté, magnifique exemple à méditer.

« L’une émettait de la lumière, l’autre la contenait. »

©Chantal Lafon

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